Le plus raté de mes jardins a sans nul doute été celui que j’ai tenté de faire pousser à Abu Dhabi. D’ailleurs, ce n’était même pas un jardin, juste un très long balcon, au treizième étage d’une tour flambant neuve face à la mer.
J’ai eu un mauvais pressentiment en regardant par le hublot de l’avion, à l’approche de l’aéroport : une étendue plate, désertique, à perte de vue. Il y avait pourtant un ruban vert, incongru, qui tranchait sur le sable. L’autoroute. Dans la voiture qui m’emmenait vers la ville, j’ai dû reconnaître que l’illusion était parfaite : les bas-côtés étaient si densément plantés qu’on aurait pu se croire dans une contrée verdoyante. En regardant mieux, on voyait des tuyaux noirs au pied de chaque plant, pour l’arrosage, comme j’en ai par la suite découvert partout dans les massifs qui tentaient d’égayer l’assemblage disparate de tours (encore modestement hautes et peu nombreuses en 1989) qui constituaient le « centre-ville ». Jamais je n’ai vu autant de roses trémières. En plein été, il arrivait parfois qu’un malheureux jardinier pakistanais y laissât la peau, victime du soleil.
Je prends le chaud sur mon balcon : les palmiers ne sont pas encore plantés, mais décorent déjà mon élégant ensemble jaune
Mais revenons à mon balcon. Pas découragée pour autant, j’ai entrepris de faire pousser ma petite oasis personnelle, mon jardin suspendu. J’avais apporté dans mes valises des paquets de graines, des pois de senteur en particulier, je m’en souviens, une fleur que j’adore. Je n’avais aucune expérience de jardinage, mais de grands rêves.
Je suis partie pleine d’entrain acheter plantes, pots et terre dans une sorte de pépinière. Première désillusion : de terre, point ! C’est une denrée inconnue à Abu Dhabi. On m’a proposé à la place du crottin de chameau en me conseillant de le mélanger à du sable (bon, ça, le sable, c’était facile à trouver, il y en avait partout). Quant aux plantes, c’étaient presque exclusivement des mini palmiers de diverses sortes, avec lesquels il allait être difficile de créer le balcon débordant de fleurs et de grimpantes que j’avais imaginé.
Le balcon végétalisé : tout ça pour ça !
J’ai malgré tout courageusement traîné pots, crottin, sable et palmiers jusqu’à mon treizième étage. J’ai planté, semé, arrosé. Le soleil ne manquait pas. Mes pois de senteur sont sortis très vite, ont allongé leurs tiges graciles en direction de la rambarde disgracieuse... et ont grillé, très vite aussi, avant d’avoir fait la moindre fleur. Les petits palmiers ont résisté. J’ai arrêté là mes efforts. De toutes façons, il n’était pas question de se prélasser sur le balcon : d’abord je n’avais jamais (et n’ai jamais depuis) vécu aussi haut et je ne me sentais guère à l’aise ainsi suspendue dans le vide, ensuite la chaleur était terrible et je craignais de subir le même sort que mes pois de senteur.
Mes pauvres plantes en pot
Et puis ce que j’aime, moi, dans le jardinage, c’est avoir les pieds dans la terre. Les plantes en pot ne m’ont jamais réussi, pas plus sur un balcon qu’à l’intérieur. Une plante en pot, on a beau la bichonner et l’arroser, ça reste triste comme un oiseau en cage.