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Mes premiers jardins : « le Bouillon » et « le Verdier »

2020-02-08 21:39

Admin

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Mes premiers jardins : « le Bouillon » et « le Verdier »

Le 8 février 2020.             Les premiers jardins de mon enfance furent ceux de mon grand-père, qui en avait deux. Le premier se trouvait en pleine

Le 8 février 2020
            Les premiers jardins de mon enfance furent ceux de mon grand-père, qui en avait deux. Le premier se trouvait en pleine ville, au Puy-en-Velay. Mes grands-parents y occupaient dans le vieux quartier Renaissance, rue du Bouillon, le deuxième étage d’un hôtel particulier dont la construction remontait au XVIème siècle. C’était un taudis, propriété de la ville qui le louait à bas prix à l’ouvrier plus que modeste qu’était mon grand-père : un fourneau et un poêle à charbon assuraient le chauffage, on se lavait à l’évier de l’office et les WC étaient au fond du jardin. 

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L’Hôtel de Mirande aujourd’hui


         Ah, ce jardin ! La maison étant bâtie à flanc de colline, on y accédait de plain-pied par l’arrière bien qu’on fût au deuxième étage. C’était un vaste replat ménagé dans la pente du dyke volcanique, ceint de hauts murs de pierres d’où dégoulinaient du lierre et de la vigne vierge. Dans le mur du fond, contre la pente, s’ouvrait une grotte-atelier où mon grand-père arrondissait ses maigres fins de mois en gravant des plaques funéraires.        Au beau milieu il y avait un bassin rond à la large margelle, où des poissons rouges tournaient autour d’une stèle supportant un vase Médicis. 

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Devant le bassin


       Un peu plus loin, une gloriette abritait non pas un banc mais un canapé de pierre ombragé par un noisetier. 

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Devant la gloriette


      Tout l’espace restant était occupé par un potager sillonné d’étroites allées ; contre un mur s’empilaient des cabanes à lapins et dans un coin se trouvaient les fameux WC. Je garde un souvenir épouvanté de la première version, une cabane de bois obscure avec une sorte de banquette en planches percée d’un trou puant (on n’appelait pas encore ça des toilettes sèches, c’était juste « les gogues »). Par bonheur, mon très jeune âge m’autorisait à leur préférer le pot de chambre, ou même les allées du jardin. Par la suite un WC à la turque fut installé dans une petite construction en dur à l’entrée du jardin et même si seul un broc faisait office de chasse d’eau, ce fut un progrès immense.
          Dans ce terrain du Bouillon, autrefois beau jardin d’agrément, désormais consacré à la culture vivrière, il n’y avait aucun espace de jeu, hormis les allées, le tour du bassin et la gloriette, et c’est là que nous jouions, mon cousin, ma cousine et moi, les quelques fois où nous nous y retrouvions.


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     Dans l’allée 


     Et cela nous suffisait. (Mon grand-père finit d’ailleurs par combler de terre le beau bassin pour y planter des tomates et par massacrer le noisetier, qui faisait trop d’ombre aux légumes et qui lui opposa une résistance farouche avant de se laisser mourir, épuisé par un tel acharnement.) 
      Bizarrement, malgré les rangées de salades et les buttes d’asperges, l’endroit gardait pour moi tout son romantisme et son mystère.Tout y poussait à merveille et pourtant, ce jardin-là, mon grand-père ne l’aimait pas. Il préférait l’autre. « Le Verdier » était, un peu en dehors de la ville, un méchant lopin en pente au sol peu fertile, le seul bien dont il ait hérité de ses parents, tout petits paysans. Le seul endroit dont il ait jamais été propriétaire. Dans ce terrain ingrat, il avait bâti de ses mains une bicoque avec des matériaux de récupération et beaucoup de ciment, toute de bric et de broc.       Il y avait fait aussi un potager, mais les légumes n’y venaient pas bien, beaucoup moins bien que dans l’autre jardin. Il prenait cela comme un camouflet et refusait d’admettre l’évidence. Au Bouillon, il y avait une vigne, contre un mur exposé au sud, qui donnait d’excellents raisins blancs, sains, juteux, sucrés. Au Verdier, il planta aussi une vigne : elle était souffreteuse, et produisait des grappes aigres et racornies. Il finit par arracher la belle vigne du Bouillon.         La seule production valable, au Verdier, était celle d’un vieux cerisier qui se couvrait de fruits chaque mois de mai. Il y avait aussi des brassées de cosmos, qui recouvraient généreusement la terre où les légumes s’étaient étiolés. Et on y ramassait l’herbe pour les lapins du Bouillon. 
      Du Bouillon, j’ai gardé le vase Médicis, récupéré par mon père quand le bassin fut comblé de terre : il est à présent installé dans mon jardin à moi. Du Verdier, il ne me reste que des souvenirs et des cosmos sur une photo en noir et blanc.